lundi 7 avril 2014

Les semences de Violet de Galmi d’Afrique du Sud commercialisées par des firmes hollandaises : c’est n’importe quoi !

Réseau National des Chambres d'Agriculture du Niger
Note d’information / Filière oignon n°16

6 avril 2014 / Rédaction / Equipe technique RECA

Depuis 2010, le RECA a organisé plusieurs rencontres sur la question des semences d’oignon. Ce
n’est pas la peine de rappeler l’importance de cette filière au Niger, ni l’importance de semences
dans toute production végétale. En début d’année 2013, le RECA avait mis en garde les acteurs de
la filière oignon sur l’apparition dans des boutiques d’intrants de nouvelles marques qui
proposaient des semences de Violet de Galmi d’origine inconnue ou suspecte. A l’heure de la
récolte, il est maintenant possible de voir que ces variétés « exotiques » ne sont pas du Violet de
Galmi. Il est temps de se pencher encore plus sérieusement sur la filière semence pour garantir à
nos producteurs les semences de qualité dont ils ont besoin.

http://www.reca-niger.org/local/cache-vignettes/L278xH192/CaptureOG_VDG-5673f.jpg

Rappel de l’année 2013 (avant la campagne d’oignon 2013 / 2014)

 Le RECA avait diffusé le 20 mars 2013 une note intitulée : « Violet de Galmi : des semences du monde entier dans les boutiques du Niger ».
 http://www.reca-niger.org/spip.php?article590

 Lors de la Journée de l’oignon, organisée par le RECA le 25 juin 2013, une présentation
avait mis l’accent sur plusieurs marques qui proposaient la variété « Violet de Galmi ». Au
total, nous avions trouvé 6 marques nouvelles, dont 3 marques qui proposaient un « Violet
de Galmi » produit en Afrique du Sud. Ces dernières marques avaient un autre point
commun, la photo sur la boîte n’avait rien à voir avec le « Violet de Galmi ».

Il faut rappeler que la journée de l’oignon rassemble chaque année un grand nombre d’acteurs
impliqués dans la filière oignon : les organisations professionnelles agricoles, les services
techniques, la Chambre de commerce, les projets et ONG…

RECA Niger
Réseau National des Chambres d’Agriculture du Niger

Le premier oignon, de marque Delta Seeds avait été commercialisé au cours de la campagne 2012/2013. Une quantité de 350 kg a avait été vendue au Niger.

Aucune plainte n’était remontée à la société qui l’a commercialisé. Cela ne veut pas dire que c’est du Violet de Galmi, mais les acheteurs n’ont pas été insatisfaits (pas de plainte).

Pour la campagne 2013 / 2014, la situation est totalement différente. Les oignons obtenus avec la
marque Delta Seeds (une société hollandaise spécialisée dans les semences) dans plusieurs localités
(Madaoua, Gaya et Yoreizé Koira) sont d’une très grande hétérogénéité.

Les échantillons de Madaoua
Les oignons présentent des tailles, des formes et des couleurs différentes. La majorité des oignons compte plusieurs bulbes, formant une touffe (comme pour l’échalote) ce qui n’existe jamais sur le Violet de Galmi.

Le taux de floraison en première année est excessivement important.


Les échantillons de Gaya
Une majorité d’oignons avec plusieurs bulbes en touffes (jusqu’à 5), de couleurs blanches, roses et violettes. Certains oignons refont de nouveaux bulbes dès la maturité (dernière photo à droite). Réseau National des Chambres d'Agriculture du Niger



Pour Yoreizé Koira, les bulbes sont très petits avec un feuillage important malgré un temps de culture très long qui a dépassé 6 mois.

De mémoire de producteurs ou de techniciens, il n’a jamais été vu une telle variation ou hétérogénéité sur une
variété d’oignon.

Tous ceux qui ont vu ces oignons trouvent qu’ils font « sales » avec des tuniques qui s’effritent facilement.

Ils ne peuvent être commercialisés sous l’appellation « Violet de Galmi ».

La photo ci-dessus présente un échantillon typique de la variété Violet de Galmi avec une forme arrondie et aplatie aux pôles. Les photos précédentes montrent des oignons totalement différents.

Il faut quand même signaler, qu’à l’annonce du retrait de la vente des semences par la société qui les  commercialise, des producteurs de Gaya ont demandé d’acheter des semences Delta Seeds car ils sont  satisfaits du rendement. Il faut dire que Gaya ne cultive pas uniquement la variété Violet de Galmi mais aussi
des variétés du Nigeria.

Une quantité de deux tonnes de semences Delta Seeds a été commercialisée. Nous ne connaissons pas les chiffres pour les deux autres marques.

Deux tonnes de semences, c’est beaucoup mais il faut rappeler, qu’au Niger, les besoins en semences pour 15.000 ha d’oignons sont de 75 tonnes, donc 2 tonnes de semences ne représente que 3% des surfaces. La variété Violet de Galmi n’est pas en danger.

1. Qui a acheté des semences de Violet de Galmi d’Afrique du Sud ?

 Il semble que l’on trouve parmi les acheteurs des responsables d’organisations
professionnelles, des commerçants et aussi des petits revendeurs.

2. Pourquoi les producteurs ont acheté des semences d’Afrique du Sud ?

 La première raison, avancée par des producteurs, est la pénurie de semences au moment des semis (2013). Comme les producteurs cherchaient des semences, des revendeurs ont immédiatement répondu à la demande en se fournissant dans les stocks disponibles.
Il faut cependant noter que, pendant la même période, la Fédération des coopératives maraîchères du Niger (FCMN – Niya) n’a pas vendu une grande partie de sa production de semences, soit 2,5 tonnes.

 La seconde raison viendrait du prix élevé des semences locales. Les semences produites localement (mais qui sont du vrai Violet de Galmi) seraient plus chers que les semences importées en boîte. Ce point avait été présenté à la Journée de l’oignon 2013. Il est nécessaire d’avoir des producteurs spécialisés, professionnelles, capables d’une bonne productivité pour proposer des prix compétitifs.
 La dernière raison, et le RECA l’a signalé en début 2013, c’est que l’on ne trouve pas de semences de Violet de Galmi dans les boutiques, y compris les boutiques d’intrants des organisations de producteurs. Réseau National des Chambres d'Agriculture du Niger


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Dans une note du 4 février 2013, le RECA relevait que : « les semences de Violet de Galmi du Niger sont absentes des boutiques d’intrants. » En cause une carence en matière de distribution : emballages inexistants, stratégie de diffusion limitée aux ventes en gros à des structures ou projets. Il est urgent que des OP relèvent le défi pour que des points de vente de semences proposent aussi des semences du Niger.

3. Pourquoi tout le monde veut vendre des semences d’oignon au Niger ?

 En 2010, le RECA avait estimé les importations de semences d’oignon à environ 10 tonnes.
A 45.000 F.CFA le kilo cela représente un chiffre d’affaire de 900 millions de F.CFA. C’est
très important et l’on comprend que cela suscite de l’intérêt.

Pourtant les choses sont simples, il n’existe que deux origines véritables pour le Violet de Galmi : les semences produites au Niger et les semences produites par Tropicasem / Technisem sous l’appellation Violet de Damani, puisque ces sociétés détiennent une souche issue de la recherche / IRAT depuis 1975.

Sur cet épisode de l’histoire du « Violet de Galmi », lire l’article paru dans la revue « Grain de Sel » en 2009 : http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf_78initiative.pdf

4. Que dit la règlementation ?

Le Niger est sous la législation de la CEDEAO, c'est-à-dire le Règlement c/reg.4/05/2008 portant harmonisation des règles régissant le contrôle de qualité, la certification et la commercialisation des semences végétales et plants dans l’espace CEDEAO.

L’article 21 précise : Variétés à multiplier
 Seules peuvent être multipliées, en vue de la certification, les semences de variétés inscrites au Catalogue national ou au Catalogue Ouest Africain des Espèces et Variétés Végétales (COAfEV).
 Les caractéristiques de ces variétés doivent être conformes à celles des échantillons déposés au moment de l’inscription au COAfEV et conservés sous la responsabilité du Comité national chargé de l’inscription audit catalogue.

De plus, il est mentionné dans l’Article 70 : Variétés de semences mises en vente au niveau régional

 Seules sont commercialisées au niveau régional les semences de variétés inscrites au Catalogue Ouest Africain des Espèces et Variétés Végétales.

La législation de la CEDEAO est très classique et conforme à la majorité des législations des autres pays. On peut supposer que l’Afrique du Sud a une législation proche.

Mais si l’on consulte la South African Variety list as maintained by the Registrar of plant improvement
de décembre 2013, c'est-à-dire le catalogue officiel des variétés d’Afrique du Sud, il est inscrit plus de
100 variétés d’oignon mais … pas de Violet de Galmi.

La variété Violet de Galmi n’est pas enregistrée en Afrique du Sud !
http://sansor.org/wp-content/uploads/2012/09/SA-Varietal-List-SEED_Dec-2013.pdf Réseau National des Chambres d'Agriculture du Niger



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Pourtant il semblerait logique de penser que pour produire et commercialiser une variété d’oignon, même en Afrique du Sud, il faut que cette variété soit inscrite au catalogue de ce pays. C’est quand même, à notre avis, un standard international.

Nous voudrions bien que les sociétés Delta Seeds, Rossen et Bakker Brothers (Monarch), installées au Pays Bas, expliquent aux producteurs nigériens comment ils ont pu produire des semences de Violet de Galmi en Afrique du Sud, ou les acheter, alors que cette variété n’existe pas sur le catalogue officiel de ce pays.
Sans explication nous serions tentés de penser qu’il s’agit d’une escroquerie dont nos producteurs sont victimes et que ces sociétés ont abusé de leur réputation.

Les autres articles de la réglementation des semences de la CEDEAO :

Article 80 : Lot douteux

 Tout lot de semences importé ou exporté sur lequel pèse un soupçon de fraude ou de
falsification est considéré comme douteux et est provisoirement confisqué.

A partir de la photo de toutes ces boites, qui ne montre pas un oignon ressemblant au Violet de Galmi, et comme le Violet de Galmi n’est pas inscrit au catalogue d’Afrique du Sud, ces semences importées auraient pu rentrer dans ce « soupçon de fraude ». Mais qui contrôle cela ?

Article 28 : Origine des semences-mères

 Tout producteur ou agriculteur-multiplicateur justifie l’origine de la semence-mère par des documents tels que l’étiquette de certification, la facture, le bon de livraison ou tout autre document jugé pertinent.

Il serait peut être logique de demander la même chose pour des importateurs de Violet de Galmi.
Les sociétés qui voudraient importer devraient également indiquer l’origine de leur semence- mère.
Sinon, un test devrait être obligatoire avant commercialisation sur le territoire nigérien.

5. Qu’est ce qui ne va pas ?

• Le Niger importe des semences de Violet de Galmi alors que logiquement il devrait en
exporter.
• Les marques et les origines se multiplient, ce qui montre qu’il y a une demande interne qui n’est pas satisfaite.
• En même temps, les OP ont des semences non vendues.
• Il est urgent de mettre en place les mesures contenues dans la loi semencière et notamment la reconnaissance des producteurs spécialisés.

6. Que faire ?

• Dans l’immédiat, les oignons issus de semences d’Afrique du Sud ne doivent pas être commercialisés comme « Violet de Galmi ».
• Il faut que les organisations de producteurs fassent passer la consigne de ne pas utiliser des bulbes obtenus avec les semences d’Afrique du Sud comme bulbes mères pour la production de semences de la prochaine campagne. Réseau National des Chambres d'Agriculture du Niger



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Il semble nécessaire que les producteurs comprennent que la distribution est un métier et que le producteur de semences ne peut pas recevoir le prix de vente versé par l’acheteur final (il faut prévoir les charges pour les emballages, la distribution, le stockage, …).

Il est temps que les commerçants et distributeurs respectent certaines règles et ne se cachent pas derrière « c’est du Violet de Galmi, c’est marqué dessus ». En dehors du Niger et de Technisem / Tropicasem, il n’y a pas de Violet de Galmi. Si des distributeurs veulent commercialiser des semences de Violet de Galmi, il faut qu’ils investissent dans la production au Niger ou passent des contrats avec des producteurs ou des organisations de producteurs.

Il apparait urgent que les acteurs directes de la filière semence d’oignon, c'est-à-dire les organisations de producteurs et les distributeurs / sociétés spécialisées, et l’Etat, se retrouvent autour d’une table pour élaborer des stratégies permettant de garantir aux producteurs des semences de Violet de Galmi.

Le Journée de l’oignon 2014 aura comme thème prioritaire la production de semences. C’était déjà le cas en 2013, mais il semble indispensable de reprendre ce sujet.




Pour terminer, il nous faut reconnaître qu’il est arrivé ce que Tropicasem et Technisem avaient prévu. Il faut se rappeler l’histoire du Certificat d’obtention végétal (COV) déposé par Tropicasem à l’OAPI pour la variété Violet de Galmi. Juridiquement, l’OAPI n’aurait pas dû accepter ce certificat pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, historiquement, la société ne pouvait pas devenir détentrice de droit sur la variété Violet de Galmi qui est issue du travail des producteurs nigériens et de la recherche au Niger. De plus le texte de l’OAPI (annexe X du protocole de Bangui) précise que la dénomination d’une nouvelle variété ne doit pas
faire naître un risque de confusion, ne doit pas se référer à une dénomination qui désigne, sur le territoire de
l’un des États membres, une variété préexistante de la même espèce ou d’une espèce voisine, à moins que la
variété préexistante ait cessé d’être exploitée et que sa dénomination n’ait pas acquis de signification particulière. C’était évidemment le cas.

Lorsque cette « histoire » du COV a éclaté, nous avions demandé à Tropicasem les raisons de sa démarche.
La principale raison avancée par Tropicasem était le constat que d’autres sociétés se mettaient à commercialiser du Violet de Galmi qui n’a rien à voir avec la variété d’origine.

Ce danger était bien réel et les producteurs nigériens en ont fait les frais.

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